Parler d’écologie : mutation et habitabilité

Écologie

8 juin, 2023
4 min de lecture

L’écologie recouvre des dimensions d’une immenses variétés et complexités. Ainsi les mots, les expressions et les métaphores de langages que nous utilisons pour traduire cette complexité ont une réelle importance. Pour ce premier billet de ce type de la rubrique écologie, je vous propose de parler de mutation et d’habitabilité.

Écologie : de la description à l’action

Ce qui motive cette nouvelle série de billet peut s’exprimer simplement. Il s’agit de la tension dynamique qu’il y a entre le descriptif (notre maison est en feu) et le normatif (cessons donc de mettre le feu à notre maison). Habitabilité, crise, mutation, survie, climats, etc., les mots et formules que j’utilise pour parler de l’écologie traduisent plus ou moins explicitement les actions que je souhaite promouvoir. De la même manière qu’elles informent sur comment je comprends l’écologie. Faire la critique et l’adaptation régulière des expressions que nous mettons en avant lorsque nous parlons d’écologie est concrètement important au niveau éthique. Prenons un exemple.

Écologie : de la crise à la mutation

Aujourd’hui, nous entendons communément parler de crise écologique. Mais le terme de crise est un bon exemple d’une expression critiquable dans ce qu’elle traduit. Que ce soit au niveau individuel (crise de colère/larmes) ou au niveau collectif (crise économique/logement), ce mot exprime un moment temporaire entre un temps antérieur normal et un retour à cette normalité, transformée ou non. Or, concernant l’écologie, ça ne rend pas compte de ce qui se passe.

Aucun retour à la normale, à l’état de la Terre tel que nous pouvions encore le connaître au cours du siècle dernier, ne se profile malheureusement à l’horizon.

Dominique Bourg

Les modes de fonctionnement de notre planète se transforment profondément et pour une longue durée. Ainsi les transformations liées à l’écologie (climat, biodiversité, ressources, etc.) relèvent bien plus de la mutation que de la crise. C’est pourquoi continuer de parler de crise donne la fausse impression que c’est une mauvaise passe écologique… alors que c’est un nouvel état planétaire. Conséquences éthiques : il faut transformer nos sociétés à l’ampleur des dites mutations. Et pas juste faire quelques petits efforts en attendant que ça passe.

La réduction de l’habitabilité terrestre

Et ce nouvel état planétaire modifie le second mot que je veux présenter dans ce billet : l’habitabilité. L’un des enjeux principaux des mutations écologiques réside dans fait que nous rendons notre planète de plus en plus invivable. Non, a priori, la planète ne va pas exploser. Oui, la vie biologique nous survivra. Oui, la terre pourra se remettre – en quelques milliers d’années – de nos bêtises. Mais tout cela… ne nous concerne pas tellement. Ce qui nous concerne, c’est que nous pourrons de moins en moins vivre sur notre Terre.

C’est la question l’habitabilité terrestre qui se joue derrière les chiffres de + 2°C, + 3°C, +5°C d’ici la fin du siècle. Et surtout : une habitabilité pour tout le monde. Ce qui n’est déjà carrément pas le cas le aujourd’hui, vous en conviendrez…

Habitabilité et chaleur humide

Exemple d’une mutation qui menace directement la simple possibilité de pouvoir vivre sur Terre : la chaleur humide. Tragiquement, ce phénomène est encore trop peu connu. Pour faire simple, notre corps, pour se refroidir, à besoin de transpirer. Mais si vous vous trouvez dans une zone où l’air est extrêmement humide, alors votre transpiration ne quitte pas votre peau, la conséquence étant que le corps ne se refroidit plus. Et ce cocktail – augmentation de la température + humidité – est très vite mortel pour notre organisme.

Une température de 34.4°C avec un taux de 80 % d’humidité est une température dite humide avec un ressenti de 53°C. Sans moyen de rafraîchissement de l’air, cette température est considérée comme extrêmement dangereuse.

National Geographic

Cumulé à l’augmentation des canicules classiques, d’ici 2100, c’est jusqu’à 75% de l’humanité qui pourrait être victime de vagues de chaleur. Se battre pour l’écologie c’est donc se battre pour que la planète reste vivable le plus possible et ainsi habitable pour nous.

Car non… on n’a pas de planète B. 

Habitabilité : une notion inclusive ?

On pourrait me rétorquer que, tel que j’en parle, habitabilité est jusqu’ici très centrée sur l’humain (= anthropocentrée). Et je ne le nie pas car je considère qu’il est déjà capital de bien comprendre que c’est notre capacité à habiter la Terre qui se joue, sur le long terme. Ensuite, la notion d’habitat n’est pas fatalement centrée que sur l’humain. Au contraire même, on parle plus communément d’habitat naturel pour les être non-humains que pour nous.

Enfin, nous n’avons pas que besoin d’un climat stabilisé à des taux de températures vivables pour notre organisme. Pour être habitable, notre planète a aussi besoin d’une riche biodiversité, d’écosystèmes sains, d’insectes pollinisateurs, etc. Bref, une compréhension complète de l’habitabilité est inclusive car elle comprend l’entier de ce qui permet la vie sur Terre.

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