7 formes d’inactions écologiques

Écologie

29 avril, 2023
4 min de lecture

Pour mon premier billet de blog sur l’écologie, plutôt que d’écrire sur ce qu’on devrait faire ou comment, j’ai plutôt envie de parler de pourquoi et comment on fait rien ? Déjà parce que cela nous concerne toutes et tous mais de façon différente et parfois subtile. Ensuite, parce que si l’on creuse un peu, on réalise que l’inaction écologique est bien plus complexe qu’il n’y paraît (toute personne n’est pas un ou une climato-négationniste en puissance). Alors grâce à la réflexion de Willa Swenson-Lengyel, je vous propose 7 formes différentes d’inaction écologique

Qu’est-ce qui paralyse notre action ?

L’un des premiers articles sur lequel je suis tombé en commençant ma thèse, a été celui de l’éthicienne américaine Willa Swenson-Lengyel « Paralysie morale et déni pratique : l’éthique environnementale à la lumière de l’échec humain » (Moral Paralysis and Practial Denial : Environmental Ethics in Light of Human Failure)[1]. Pourquoi je n’agis pas concernant l’écologie ? Qu’est-ce qui mène à mon inaction ? Il s’agit là d’interrogations constantes au cœur de l’éthique environnementale et les multiples réponses peuvent nous surprendre. Je précise que ce billet concerne surtout le niveau individuel de l’action (j’aurai mille occasions de parler du niveau collectif et politique).

1. Le déni théorique

C’est ce qu’on peut appeler du climato-négationnisme. Je refuse d’agir car je ne crois pas au changement climatique. Soit je me méfie de la science (sens des groupes internationaux de scientifiques) en général ou, tout simplement, pour moi, ce n’est pas un vrai problème. L’inaction est l’expression ici d’un refus d’entrée en matière sur le fond du problème

2. Le déni par ignorance

Ici, l’inaction repose plutôt sur un manque d’information concernant les mutations écologiques. Ce n’est pas si grave… si ? Ces mutations sont complexes et difficiles à appréhender. Heureusement, il existe aujourd’hui d’excellentes outils pour apprendre facilement (en une demi-journée!) comme la fresque du climat 

3. L’inaction car … je m’en fous

Cela paraît trivial sans doute, mais Willa Swenon-Lengyel a raison de le souligner. Il existe une part non négligeable de personnes qui ne nient pas les mutations écologiques mais simplement s’en fichent du sort des autres, de la planète, de l’avenir de l’humanité, etc. « Après moi : le Déluge ! ». Ces personnes sont davantage motivées par le pouvoir, la richesse ou, tout simplement, leur confort personnel. Ne soyons pas naïfs et naïves, tout être humain n’est pas altruiste par défaut. Car l’empathie, ça se travaille (notamment grâce à la fiction, j’y reviendrai …)

4. L’inaction par impuissance

S’il n’y a pas de transport public accessible, j’ai besoin d’une voiture. Sans une somme considérable d’argent, je ne peux pas changer de moi-même mon chauffage au mazout. Etc. Mon inaction individuelle repose, dans ce cas, sur le fait que je suis structurellement impuissant. Raison pour laquelle il sera toujours impossible de réduire l’écologie à de la simple responsabilité individuelle.

5. L’inaction liée à ma finitude

Elle est liée à la précédente. Pour le coup, je cite l’autrice : « Nous vivons dans un monde de pénurie, dans lequel il n’y a que peu de temps et souvent trop à faire. Dans ce monde, la préoccupation pour l’environnement peut être submergée par d’autres préoccupations plus immédiates ». Je suis pris dans la dynamique frénétique du monde (études, carrières, emplois, familles, etc.) qui m’empêche de facilement dégager du temps et de l’énergie pour autre chose.

6. L’échec moral (ou acrasie pour les intimes du grec)

C’est le concept philosophique de la faiblesse de volonté éthique. Que ce soit clair, presque tout le monde l’expérimente/l’a expérimenté dans son quotidien. Il s’agit de faire quelque-chose qui va à l’encontre de son propre jugement moral. Autrement dit : je fais l’opposé de ce que je considère comme bien. Je prends la voiture pour faire mes courses alors que je devrais (et pourrais) aller à pied, je prends l’avion pour aller en vacances alors que je pourrais le faire en train, etc. Je reconnais totalement l’importance d’agir en faveur de l’environnement mais j’échoue à le faire. Ce n’est pas par déni, ignorance, mauvaises attentions ou impuissance (car je pourrais faire différemment) mais simplement par échec de ma volonté.

7. Le déni pratique

Sans doute le déni plus courant, dès lors que je reconnais l’importance des dégradations écologiques voire que j’affirme l’importance de prendre soin de l’environnement, que c’est un bien commun de l’humanité, etc. Cependant, pour avancer dans la vie, je place un bouclier pratique pour gérer les informations douloureuses de l’écologie.

Deux exemples différents de déni pratique :

A. Le tokenism (de l’anglais token, « le jeton ») : j’adopte les actes écolo’ les plus simples et accessibles pour moi et je les considère comme suffisant : « C’est bon, j’ai fait ma part ! ». De cette manière, j’arrive continuer ma vie tout en étant capable d’entendre sans trop de difficulté les mauvaises nouvelles concernant la planète.

B. « Il y a pire que moi ». Rhétorique très courante que celle-ci : les riches, les Chinois, les vieux, en bref : les autres, font pire que moi alors je n’ai pas à faire d’effort car je me libère de ma responsabilité sur autrui.

Reconnaître l’inaction pour agir

L’inaction, sous une forme ou une autre, concerne absolument tout le monde puisque personne n’est actuellement à la hauteur de l’action que demande les mutations écologiques. Creuser les fondements de cette inaction c’est, peut-être de manière contre-intuitive, l’une des premières étapes pour construire l’action. Pourquoi je n’agis pas ? Quelles émotions ou ruminations cela réveillent en moi ? Reconnaître les raisons qui nous bloquent pour agir, c’est ouvrir la porte à l’émancipation de cette dernière.


[1] Swenson-Lengyel, W. (2017). Moral Paralysis and Practical Denial: Environmental Ethics in Light of Human Failure. Journal of the Society of Christian Ethics, 37.2, 171-187.

Commentaires