Inspiration libre: l’imagination

Philosophie

15 mai, 2023
3 min de lecture

J’aime la libre rumination. Parfois une simple phrase, synthèse d’une idée, d’une vision, d’un idéal m’inspire une vaste réflexion. C’est ce que je savoure le plus dans la lecture. L’enthousiasme que je ressens lorsque je tombe sur un paragraphe, une ligne, qui suscite mille pensées dans mon esprit. Et c’est ce que j’ai envie de partager avec de format pour la section philo de mon blog : des réflexions libres à partir d’une phrase qui a créé cet enthousiasme en moi.

Ouvrir l’imagination des possibles

L’incapacité d’imaginer un monde où les choses seraient différentes n’indique qu’un défaut d’imagination, pas l’impossibilité du changement.

Cette citation sur l’imagination, je l’ai découverte grâce à Rob Hopkins et son ouvrage Et si … ?. Elle est tirée du livre de l’historien et journaliste Rutger Bregman Utopies réalistes.  

Comme j’en parle dans ma bio, l’imagination en perspective éthique, c’est au cœur de ma recherche académique. De plus en plus de penseur·ses défendent la force que possède l’imagination pour transformer le réel. Bregman en fait partie. Voici ce que m’inspire cette phrase.

Rejeter la maxime : « il n’y a pas d’alternative »

La première vertu de l’imagination semble être celle de refuser la fermeture des possibles. Prenons un exemple. Quand Margaret Thatcher (première ministre britannique de 1979 à 1990) prononçait son célèbre There is no alternative (il n’y a pas d’alternative) elle affirmait que le marché économique mondialisé était le seul système économique possible, et le meilleur. Point. Et cette logique continue d’imprégner les ténors du néolibéralisme actuel qui argumenteront qu’ils sont pragmatiques ou réalistes, et que des visions transformées et alternatives de l’économie (pour rester dans cet exemple) sont fantaisistes ou irréalistes.

Et c’est là que Bregman est utilement provocateur. Car ce qu’il dit vient changer la focalisation de la discussion. Le but n’est pas de savoir qui a la meilleure sagesse en termes de gestion économique, mais de pointer que celles et ceux qui affirment le « on ne peut pas faire autrement » manquent radicalement d’imagination. Pour lui, ce qui bloque les changements (quelque-soit le niveau où l’on se trouve) ce n’est pas une impossibilité effective de la situation mais une lacune d’imagination. Refuser de fermer la porte de l’alternatif, c’est éviter de cultiver un fatalisme qui se targue trop souvent d’être réaliste. En conséquence, réussir à faire changer une structure, une manière de faire, une habitude, etc., requiert en premier lieu le courage d’imaginer un autrement possible.

Cultiver l’imagination

Pour l’instant, je me figure l’imagination comme un muscle. Ce dernier peut s’entraîner, augmenter sa force, son endurance et son habilité ou, à l’inverse, si on le délaisse, s’atrophier. Si on ferme les possibles en déterminant qu’il n’y a pas d’alternative, on atrophie le muscle. À l’inverse, si on affirme rêver de changer même sans savoir comment, on donne un peu d’oxygène au muscle. Rien que le fait de refuser un déterminisme fataliste (par exemple face à une situation de déclin, ou de crise) c’est donner de l’oxygène à l’imagination. Cela n’enlève en rien la difficulté réelle qu’il y a – souvent, soyons honnêtes – à amener le changement, mais, au moins, on ne lui ferme pas définitivement la porte.

Repérer les Momentum

Du moment qu’on entretient notre imaginaire, ce dernier sera disponible lorsque l’opportunité de changement, le Momentum – même humble – se présentera. Pour reprendre l’image du muscle, lorsque l’effort se présentera, ce dernier pourra fournir la force nécessaire. D’où le fait important de rejeter l’atrophie, car cette dernière, nous empêchent non seulement d’imaginer d’autres possibles, mais nous fera sans doute rater les opportunités de transformation quand elles se présenteront.

Oui, les institutions, structures et systèmes qui nous entourent ou dont nous faisons partie sont complexes. Oui, ça fait si longtemps qu’on fait comme ça alors on n’a pas d’autres manières de faire. Oui, cela demande des efforts de changer les habitudes. Mais lorsqu’il est évident que lesdites manières de faire sont néfastes, non-durables, violentes ou toxiques, alors rien ne peut ou doit nous empêcher d’imaginer autre chose. Et de faire les premiers pas vers cet autrement. Ce n’est pas être irréalistes que d’agir ainsi, c’est, au contraire, activer notre muscle de l’imagination et refuser l’atrophie. Pour reprendre Rob Hopkins, c’est passer du what is au what if ?

Commentaires